Arthur H

Marc dans la jungle, par Arthur H

Texte Marc dans la jungle, par Arthur H

Marc Perrone est perdu dans la jungle.
Des bruits inquiétants, des craquements mystérieux se font entendre.
Mais Marc est tranquille, il sort son accordéon et commence à jouer un trois temps.
Un ara-ara à crête multicolore propose un contretemps intéressant
alors qu'un serpent s'essaye à la java avec une limace phosphorescente.
Mais le gros rhinocéros à poil long n'aime pas la valse !
Il est là, tapis dans l'ombre,
ses petits yeux plein de rage clignotent férocement.
Tout d'un coup il s'élance, furieusement,
tête baissée, vers Marc.

 Marc l'a vu, il court comme un dément,
s'envole quasisurnaturellement (en évitant de cogner son accordéon contre le tronc des arbres)
mais le monstre à ses trousses gagne du terrain.
Dans la frénésie de la course la corne terrible se rapproche
quand soudain une grosse main soulève Marc dans les airs,
le subtilise à son agresseur. Le rhinocéros à poil long reste coi !
Marc a disparu.

En sécurité sur une grosse branche Marc identifie son sauveur : c'est Mong le roi des gorilles !
Marc est stupéfait, Mong est le sosie de Michel Simon !
Marc est adopté par la tribu des gorilles.
Il est aux anges car tous les gorilles ont la tête et le bagout de Michel Simon.
Marc apprend à se déplacer comme ses nouveaux frères.
Il se lance de branches en branches, souple et silencieux.
Mong décide de transmettre sa qualité de grand chef à Marc.
Du coup, tous les gorilles, en signe d'obéissance, se laissent pousser la moustache.
La nuit ils vont voler dans les plantations des feuilles de bananier géant
avec lesquelles ils fabriquent de nouveaux accordéons.

Aux sommets des arbres, Marc apprends aux jeunes et aux vieux toutes les mélodies de Kosma et de Jaubert.
Et, à force de jouer, un jour il trouve le secret du son.
Sa musique, comme un filet d'eau claire, devient fluide, douce et pénétrante.
Il apparaît soudain dans une clairière et quand il joue les arbres respirent, les fleurs s'ouvrent sensuellement,
les petits animaux chassent leur anxiété et retrouvent la joie qui repose au fond d'eux.
Quand Marc trouve le rythme juste alors il commence à soigner les animaux.
Ses chansons, mélancoliques et joyeuses, ce sont des flèches qui ne ratent jamais leur cible :
elles traversent avec fermeté et douceur le coeur tendre des bêtes sauvages.
Les animaux de la forêt et de la savane sentent qu'il se passe quelque chose de différent :
quelle est cette légèreté étrange qui plane dans l'air, qui les rend reconnaissants, neufs,
proches d'eux-mêmes comme ils ne l'ont jamais été ?
Des processions hétéroclites de girafes, d'éléphants, panthères, hyènes et gazelles
se forment pour venir écouter le mage heureux.

Un jour qu'il joue, pour un bébé hippopotame souffrant d'anorexie, la Tarentelle de saint Gorgongula,
le vieux lion Renoir, l'ancien roi de la jungle détroné, écarte les animaux attentifs et vient se planter devant Perrone.

Marc est absorbé dans la magie de sa mélodie quand soudain le vieux lion lui donne
un grand coup de patte, de sa griffe terrible il arrache la tête de Marc.

Un concert de détresse s'élève, tous les animaux hurlent la perte de l'être chéri :
" Mais pourquoi l'as-tu-tué ? C'était le seul humain à pouvoir nous parler,
sa musique était aussi douce que l'amour, elle changeait l'atmosphère du monde,
elle enlevait la poussière qui recouvre nos coeurs,
elle harmonisait secrètement le monde visible et le monde invisible,
mais pourquoi l'as-tu-tué ? "

Alors le vieux lion répondit :
" Quoi ! Qu'est-ce que vous dîtes ? Parlez plus fort, je suis un peu dur d'oreille ! "

Extrait du Monde du Samedi 31 Mars 2018

Article de Francis Marmande

 « Il faut préparer les gens à entrer dans la chanson. La pulsation est plus importante, ce qui me sépare, peut-être, de la “chanson française”. Autant que la manifestation d’une certaine joie. La joie est mal vue, comme si c’était incongru et vaguement vulgaire. Je devrais être pessimiste. Or, je veux créer du saisissement. Un des artistes qui me montre la voie, c’est Marc Perrone, son sourire jocondien et cet art de dilater le temps, puis de le resserrer… Il joue en jonglant»


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